Au large de Cannes, sur la première des îles de Lérins, l'île Sainte-Marguerite, le musée du Masque de fer et du Fort Royal occupe la partie la plus ancienne du Fort Royal de type Vauban.
Ce fort, classé monument historique, est bordé de pins et d'eucalyptus et surplombe la mer. Vous pouvez y visiter les anciennes prisons d'État et la célèbre cellule du Masque de fer où le mystérieux prisonnier fut incarcéré durant onze années, mais aussi, le mémorial huguenot et les peintures murales réalisées par Jean Le Gac sur le thème du peintre prisonnier.
Dans les citernes romaines et au premier étage sont présentés le matériel archéologique sous-marin provenant des épaves romaine et sarrazine de la Tradelière et du Batéguier (céramiques, cargaisons d'amphores, verres…) et les fragments de peintures murales romaines provenant des fouilles terrestres de l'île Sainte-Marguerite. Un espace consacré aux expositions temporaires s'ouvre sur une vaste terrasse dominant la mer face au littoral cannois, des Alpes du Sud au Cap d'Antibes et à l'Estérel.
Situé dans le bâtiment le plus imposant du fort, dit « le Vieux Château », construit au XVIIe siècle, le musée occupe la partie la plus ancienne, celle construite sur les vestiges de la période romaine et du Moyen Âge.
On visite aujourd’hui les citernes romaines qui forment les salles de rez-de-chaussée du musée. Dans l’angle du bâtiment, la tour du Rocher aurait été élevée au Moyen Âge pour la défense de l’île, souvent assaillie par les raids sarrasins. Elle fut surélevée vers 1860, par un sémaphore qui permettait la transmission de messages télégraphiques aériens.
À la fin du XVIIe siècle, le fort revêt une nouvelle fonction, celle de prison d’État dans laquelle étaient enfermées sans jugement, à la demande du roi, des personnes pouvant présenter un risque pour la monarchie (protestants après la révocation de l’Édit de Nantes, auteurs de délit d’opinion, de librairie…) et des prisonniers incarcérés à la demande de leur famille. Le plus célèbre fut le Masque de fer. En 1690, une aile est ajoutée au bâtiment portant à six le nombre de cellules au rez-de-chaussée.
Rendu célèbre par Voltaire et Alexandre Dumas, le Masque de fer reste le prisonnier le plus connu de l’Histoire. Ce « prisonnier dont nul ne sait le nom, dont nul n’a vu le front, un mystère vivant, ombre, énigme, problème » selon Victor Hugo, passionna des générations d’historiens et de romanciers.
On lui prêta près d’une soixantaine d’identités différentes dont la plus romanesque est celle du jumeau de Louis XIV. Cette hypothèse considérée de nos jours comme farfelue, reste encore le sujet préféré des films hollywoodiens à succès.
Il fut emprisonné douze ans dans la forteresse de Pignerol (à partir de 1669), six ans dans celle d’Éxilles, onze ans dans le Fort Royal de Sainte-Marguerite jusqu’en 1698 et cinq ans à la forteresse de la Bastille à Paris où il mourut en 1703 et où il fut enterré. Après son décès, ses effets personnels et son légendaire masque (peut-être s’agissait-il d’un masque de velours ou de cuir, articulé de métal ?) ont été brûlés.
Le geôlier du Masque de fer, Saint-Mars (Bénigne Dauvergne de Saint-Mars), le gouverneur de toutes les forteresses où il fut incarcéré, était peut-être à l’origine du mythe du prisonnier sans identité.
Le courrier qu’il échangeait avec Louvois, le ministre du Roi-Soleil, à propos du prisonnier, lui donnait de l’importance et il s’enorgueillissait d’être le geôlier des grands du royaume, comme il le fut de Fouquet et de Lauzun autrefois, emprisonnés sur la seule volonté de Louis XIV.
Pas de jugement, d’archives de police, de mémoire de mise en détention pour le Masque de fer, homme sans identité, privé de la liberté d’être vu de tous et que Saint-Mars a tenu à sa merci pendant trente-quatre ans.
Enfermé à Sainte-Marguerite, le Masque de fer ne parlait et ne se dévoilait à personne sauf à Saint-Mars, son geôlier. Sa seule occasion de sortir était d’assister tous les jours à la messe, devant un autel dans le couloir près de la porte de sa cellule. L’aménagement de sa prison, dont il ne reste rien, comptait du mobilier fonctionnel, des tentures et des tapisseries aux murs et des tapis au sol. La prison passait pour être confortable, le feu était entretenu dans la cheminée. Il ne nous reste rien du célèbre Masque de fer, sinon l’énigme de son identité.
Après la révocation de l’Edit de Nantes (1685), la répression est terrible pour ceux qui refusent d’abjurer : massacres, supplices, galères, enlèvements d’enfants, emprisonnements… Six pasteurs du Refuge rentrés clandestinement en France sont ainsi incarcérés dans le fort de l’île Sainte-Marguerite.
En souvenir du martyre des pasteurs emprisonnés à Sainte-Marguerite, un mémorial est dressé au sein de leurs cellules. Sous l’égide de la Société de l’histoire du protestantisme français et à l’initiative du pasteur Charles Monod, une première cellule est inaugurée à la Pentecôte 1950, avec l’aide active des protestants de Hollande et en présence du pasteur Marc Boegner, président de la fédération protestante de France. L’année suivante, avec la participation des Genevois, une seconde cellule est installée. En 1985, ce mémorial est transféré et intégré au musée de la Mer.
À l’ouest de la cellule du Masque de fer, dans le prolongement du couloir des prisons, quatre cellules avaient perdu la trace des prisonniers enfermés, carrelage, enduits, graffiti effacés à jamais. Seule restaient l’architecture d’un lieu vacant que Jean Le Gac a investi.
« Il y a quelques années si je rêvais d’aller en prison pour y peindre tranquillement, ce n’était jamais sérieusement parce que je ne me faisais pas beaucoup d’illusions sur la possibilité de me consacrer à mon art entre maton et misère sexuelle ; que j’ai pu y penser alors témoigne seulement de la part du peu de marge de manœuvre que me laissait ma vie familiale et matérielle…
…Je me le rappelais pendant ma visite de l’île, en parcourant la longue allée d’eucalyptus avec le conservateur du musée qui m’initiait au mystère du Masque de fer et à la longue histoire des prisonniers arabes du fort : « famille du Kalifa Mohamed Ben-Aallal ben Embareck, domestiques et trésoriers compris… famille de Kaddour Ben Rouyla premier secrétaire de Kalifa avec tout en bas du registre de contrôle Djobra leur négresse… famille de Chentouff caïd de Oued el Barmmam sans oublier Belal « nègre » affranchi à leur service… famille du frère de dahbou Ouls el Bachir, lequel a été tué… et tant d’autres. D’un côté j’avais un homme sans visage, de l’autre trop de noms, de faits et d’Histoire, et toujours vivace en moi ce vieux désir d’enfermement pour tenter d’accomplir un ultime effort de concentration et percer la fine membrane qui me sépare de l’œuvre unique à laquelle je me sens préparé de longue date…
…C’est dans cet état d’esprit du peintre prisonnier volontaire, que j’ai commencé le 2 juillet 1992 les peintures dans les cellules. » Jean LE GAC
L’île Sainte-Marguerite ne possède pas de source. Le problème de l’approvisionnement en eau a dû se poser dès le début de l’occupation du site.
Plusieurs citernes bâties durant la période gallo-romaine subsistent dans le fort actuel. La citerne du musée fait partie de cet ensemble. Elle est composée de 4 salles voûtées. Elle constitue le seul élément restant du système hydraulique d’origine. Une maquette représente un essai de reconstitution de l’ensemble de ce système. L’eau de pluie recueillie par le toit d’un bâtiment élevé (temple par exemple) est conduite par l’intermédiaire d’un aqueduc jusqu’au bassin collecteur situé au-dessus de la citerne. Un ou plusieurs orifices aménagés dans les voûtes en permettent le remplissage (l’orifice de la seconde salle voûtée est encore visible), l’eau collectée et conservée peut ensuite être distribuée grâce à un bassin de répartition (château d’eau) et alimenter fontaines, thermes, bassins, canalisations… Le système hydraulique représenté est l’illustration d’une hypothèse élaborée à partir d’exemples connus dans l’urbanisme gallo-romain. Des fouilles et des sondages ultérieurs permettraient d’y apporter des corrections et des modifications.
En 1972, des travaux menés dans l’enceinte du Fort Royal de l’île Sainte-Marguerite ont mis au jour des vestiges antiques importants. Quatorze campagnes de fouilles programmées entre 1973 et 1995, ont établi l’occupation du site du VIe siècle av. J.-C. jusqu’au IVe siècle après J.-C.
En 1997, après restauration par le Centre d’Etude des Peintures Murales Romaines du CNRS, une partie des fragments des peintures murales d’un laconicum (étuve sèche de thermes romains), exhumées lors de ces fouilles, est présentée au public dans une salle du 1er étage du musée.
Cette épave a été découverte en 1971, à l’est de l’île Sainte-Marguerite par 50 mètres de fond, près de l’îlot de la Tradelière (inventeurs M.A. Pastor et M.A. Roudil). La cargaison de ce bateau est d’une grande diversité. Neuf types différents d’amphores ont été distingués. Une importante cargaison de vaisselle de terre cuite et de verre, des gobelets gigognes encastrés les uns dans les autres des petits vases à décor zoomorphe et des séries de coupes de verre de différentes couleurs complétaient ce chargement.
Outre le vin des amphores de Chio et de Cos, îles grecques de la mer Égée, le bateau de la Tradelière transportait de la saumure (amphore espagnole à saumure), des dattes et plusieurs milliers de noisettes répandues sur l’ensemble du site. La richesse et la diversité du matériel découvert ont permis d’avancer l’hypothèse que l’épave de la Tradelière pourrait être un des très rares longs courriers venus de la Méditerranée orientale, Grèce et îles du Dodécanèse, pour sombrer sur les récifs de l’île Sainte-Marguerite.
Cette épave a été découverte en 1973 à la pointe ouest de l’île Sainte-Marguerite par 54 mètres de profondeur (inventeur Jean-Pierre Joncheray). Des coulées de poix fondue présentes sur plusieurs céramiques et des morceaux de coque brûlée ont fait émettre l’hypothèse d’un naufrage dû à l’incendie du navire. L’essentiel de la cargaison est constitué de céramiques. La variété des types et la taille régulièrement dégressive de certaines formes font penser à un chargement commercial. Les céramiques répondent à tous les emplois courants : jarres de stockage allant du très gros modèle au petit jarron en passant par les tailles intermédiaires, récipients pour la cuisson, vases pour les liquides, pots, lampes à huile. Des objets peu courants complètent cet ensemble homogène : un tambour, une lampe-couronne à sept godets, un remplisseur de lampe en forme de dromadaire, des pots à opercule-filtre. Les délicates lampes à huile, les fines cruches à bec tréflé, les pots à tamis témoignent incontestablement d’une parfaite maîtrise technologique et du raffinement du monde musulman des Xe et XIe siècles.
Entrée et sortie du Fort Royal.
Caractéristique de la fortification « bastionnée », apparue au XVIe siècle en Italie, le bastion est un ouvrage défensif en forme de pointe qui fait partie de l’enceinte du fort. Rempli de terre afin d’amortir l’impact des boulets de canon, il facilite le tir croisé contre les assaillants.
Cette église, consacrée à Saint-Joseph en 1658, remplaça un lieu de culte plus ancien, devenu trop exigu pour la population grandissante du fort (militaires et leurs familles). Elle comporte une tribune à l’étage. Son décor peint a été restitué d’après l’original.
La courtine est une portion d’enceinte comprise entre deux bastions.
Ce bâtiment servait d’entrepôt pour la poudre à canon. Il répond à des critères de construction très stricts afin d’éviter de mettre accidentellement « le feu aux poudres » et de conserver celles-ci à l’abri de l’humidité. Pourvu d’une voûte épaisse « à l’épreuve de la bombe », il est protégé par un bastion creux et n’est pas visible depuis l’extérieur du fort.
Entrée principale du Fort Royal aux XVIIe et XVIIIe siècles, cette porte était défendue du côté du fossé par une demi-lune.
La demi-lune est un ouvrage défensif « avancé », construit devant l’enceinte pour protéger une porte ou une courtine. C’est souvent là que se concentre le premier assaut de l’ennemi.
Le Fort Royal était jadis dépourvu d’eau potable. Dès l’Antiquité, les habitants du site aménagèrent plusieurs citernes monumentales ainsi qu’un système de récupération de l’eau de pluie. Ce puits du XVIIe siècle, coiffé d’un édicule à toit pyramidal, est lui-aussi pourvu de citernes.
Édifice destiné à loger les militaires, il présente un long corps central (chambre des soldats) encadré de deux pavillons à étage (logement des officiers et des sous-officiers). Les casernes du Fort Royal ne sont pas ouvertes à la visite.
La place d’armes est un espace intérieur du fort laissé libre pour le rassemblement d’une troupe.
Situé dans le bâtiment le plus imposant du fort, le musée occupe deux espaces distincts :
Le fort conserva sa vocation carcérale après la Révolution. Plusieurs centaines d’opposants à la colonisation d’Afrique du Nord y furent notamment détenus (1841-1884 env.) : smala d’Abd el-Kader, insurgés kabyles…
Le musée présente des objets archéologiques issus de fouilles terrestres et sous-marines : fragments de peintures murales antiques (âge du fer et Ier siècle), cargaison de deux épaves retrouvées aux abords de l’île (épave romaine de la fin du Ier siècle avant notre ère et une épave sarrazine du Xe siècle).
De 1972 à 1986, 14 campagnes de fouilles archéologiques ont permis de mettre au jour d’importants vestiges remontant au IIIe siècle avant notre ère. Encore visibles dans la tranchée de fouilles, ces vestiges sont de 2 types :
Construite sur des vestiges romains (cryptoportiques) et reconvertie en boulangerie au XVIIe siècle, cette terrasse doit son nom au maréchal François Achille Bazaine. Accusé de trahison pendant la guerre franco-prussienne de 1870, le maréchal fut condamné à 20 ans de réclusion à Sainte-Marguerite mais s’évada, de manière rocambolesque, dix mois après son arrivée.
On remarquera au passage les puits sur citernes et l’échauguette (construction en saillie à l’angle du rempart destinée à abriter un veilleur) remarquablement conservée.
Point Info Biodiversité®. CPIE des Iles de Lérins et Pays d’Azur.
Le Centre International de séjour Îles de Lérins.