Curieux destin dû au hasard de l'histoire et aux talents des hommes qui ont su l'imposer et, dans un même temps, ont élevé Cannes au rang de capitale mondiale du Septième art. Ainsi, on doit la création du Festival cannois à un enchaînement d'événements politiques, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, dont le point de départ est la VIe édition de l'Exposition de Venise en juillet 1938 ; cette année-là, la France, est représentée par une sélection de films et, dans le jury de la Mostra, par le diplomate Philippe Erlanger et le journaliste René Jeanne.
Le Festival de Venise, créée en 1932, offre au monde son premier concours international dédié au cinéma et, aux pays participants, une occasion de rencontrer et de comparer leur savoir-faire.
Pour un moment, la Mostra s'impose comme la grande fête du cinéma mondial mais bientôt, l'influence allemande s'immisce dans la politique italienne et dans le palmarès de cette Biennale d'art. En 1937, Adolf Hitler apprend que les films allemands n'ont reçu aucune récompense importante et que le Prix du jury est attribué à La Grande illusion de Jean Renoir. Le succès remporté par ce film pacifiste déplaît au chef allemand qui décide, pour l'édition suivante, de s'entendre avec son homologue italien afin de dicter l'attribution des récompenses.
La Mostra ouvre de nouveau ses portes en septembre 1938. Le jour de la clôture, le jury se réunit pour décider du palmarès ; l'unanimité se fait sur un film américain mais, Hitler intervient. Ses ordres menaçants imposent aux jurés représentant les satellites de l'Axe de revenir sur leur choix. Le chef allemand parvient ainsi à faire modifier le palmarès quelques heures avant l'annonce des résultats. Le documentaire de propagande nazie, Les Dieux du stade (Olympia film) de Leni Riefenstahl et le film italien Luciano Serra, pilote (Luciano Serra, pilota) de Goffredo Alessandrini reçoivent la Coupe Mussolini, plus haute récompense de la manifestation. Toute cette agitation trouble les membres du jury représentants des démocraties ; certains d'ailleurs donnent leur démission avant même la proclamation des prix. Froissés et extrêmement déçus de l'attitude italienne, les représentants de la France, des États-Unis et de la Grande-Bretagne quittent la Mostra et sont bien décidés à ne plus y revenir.
Après un moment d'inquiétude, maisons de production et ministères dédiés au cinéma réagissent. La Suisse et la Belgique envisagent désormais, par la création d'une biennale de cinéma, de succéder à Venise.
Dans le train qui le ramène en France, Philippe Erlanger, encore sous le choc des événements vénitiens, pense déjà à organiser une manifestation en remplacement de la Mostra pour donner au monde un festival libre, sans pression ni contrainte. Dès son retour, il contacte les autorités concernées et ne tarde pas à leur présenter un projet. Le temps presse pour mettre en place un festival français capable de concurrencer le prochain concours vénitien.
Avec l'approbation de Jean Zay, ministre de l'Éducation nationale, et celle d'Albert Sarraut, ministre de l'Intérieur, l'idée d'une manifestation française consacrée au cinéma prend un caractère officiel.
La fin des années trente, en Europe, est marquée par un contexte de crises politiques graves provoquées par le désir d'expansion de l'Allemagne et de l'Italie. La France décide de ménager ces États totalitaires et particulièrement l'Italie qui revendique de plus en plus fortement des territoires méditerranéens sous domination française.
Pour éviter le conflit, les dirigeants français condamnent tout acte d'hostilité ou d'opposition au régime mussolinien par crainte des conséquences. Cette nouvelle situation, sans mettre un point d'arrêt, ralentit la création d'un festival cinématographique concurrent de la Mostra. Le gouvernement français étudie toujours le projet de Philippe Erlanger mais reste très divisé sur la question.
D'un côté, le ministre de l'Éducation nationale, Jean Zay, responsable du domaine artistique, qui soutient ce projet important pour le cinéma français. Il a déjà mis en place, au niveau national, un concours cinématographique qui prime les cinq meilleures œuvres de l'année. Cependant, pour assurer une véritable promotion aux films français à l'étranger, Jean Zay encourage l'initiative de Philippe Erlanger ; l'Europe doit avoir un festival de cinéma où l'art ne doit pas être influencé par les manœuvres politiques.
De l'autre, le ministre des Affaires étrangères, Georges Bonnet, responsable des manifestations à caractère international, qui reste hésitant sur la question pour de pas envenimer les relations franco-italiennes. Alors de septembre 1938 à mai 1939, la création du Festival français ne concerne plus directement le cinéma ; elle devient une véritable affaire d'État.
Après de longues discussions et contre toute attente, le gouvernement donne son accord à la réalisation du projet au printemps 1939. Depuis le début de l'année, le consulat français en Italie cherche à en savoir plus sur le déroulement de l'édition vénitienne en préparation. En mai, l'organisation se dévoile : la Biennale réserve un accueil triomphal au ministre de la Propagande allemand, le Dr Gœbbels, ce qui souligne la consolidation de l'alliance entre l'Italie et l'Allemagne. Tout cela laisse présager que l'édition future se pliera aux exigences de la politique fasciste et ne laissera aucune liberté aux autres participants.
Cette information est le détonateur qui pousse le gouvernement français à entamer officiellement les préparatifs de son festival cinématographique rival. Il est prévu d'organiser cette manifestation sur la Côte d'Azur, choix que Georges Prade, conseiller municipal de Paris, suggère aux organisateurs. C'est ainsi qu'en juin 1939, les médias annoncent officiellement la création du Festival de Cannes dont l'ouverture est prévue le 1er septembre, en même temps que la compétition vénitienne. Il ne reste alors à la France que quelques mois pour préparer sa manifestation.
Pour ne pas créer de tensions supplémentaires, l'État français décide d'obtenir le soutien de l'Allemagne et de l'Italie ; les communiqués officiels rappellent que le Festival français en préparation ne sera pas une machine de guerre mais bien un rendez-vous mondial de cinéma très différent de la Mostra.
Chaque pays choisit ses films, le jury représente l'ensemble des participants et toutes les nations présentes reçoivent un Grand Prix dans un esprit d'objectivité artistique et d'impartialité absolue.
La France ne s'autorise d'ailleurs aucune récompense particulière en tant que pays organisateur. Question de prestige, la présidence d'honneur de la première édition est proposée à Louis Lumière, père du cinématographe. Ce nouvel ambassadeur du Festival cannois veut convaincre les réalisateurs étrangers de soutenir l'initiative française. Alors, les invitations sont envoyées à tous les pays producteurs de films ; l'Allemagne et l'Italie ne sont pas oubliées.
Un mois plus tard, les premières réponses arrivent par voie diplomatique. Sans surprise, les deux États fascistes déclinent l'invitation de la France. Certes, ils n'apprécient pas la concurrence faite à la Mostra mais, à ce moment-là, ils sont bien plus préoccupés à préparer la guerre.
Pour des raisons très différentes, la Suisse décline à son tour l'invitation à la fin de juillet 1939 car les autorités fédérales concentrent leurs efforts sur l'Exposition internationale de Zurich. D'autres pays regrettent de ne pas pouvoir participer au concours cannois comme l'Afghanistan, le Canada, l'Égypte, la Hongrie, la Lithuanie, la Norvège, la Thaïlande ou bien encore l'Union sud-africaine. Ces pays ne produisent que peu de films et ne possèdent aucune organisation officielle en matière de cinéma, ce qui les exclut de toute compétition internationale. Devant l'impossibilité de faire parvenir des films dans des délais aussi courts, le Japon s'excuse également de refuser l'invitation.
De l'autre côté, de nombreux pays s'engagent aux côtés de la France ; c'est le cas des États-Unis qui d'ailleurs, grâce à la puissance de leur industrie cinématographique, vont aider la manifestation cannoise à s'imposer comme un véritable événement mondial. Les dirigeants de la Mostra tentent alors de regagner la confiance des Américains en leur proposant des avantages financiers mais en vain.
Plus délicat sera le cas de la Grande-Bretagne car les maisons de production britanniques s'engagent à soutenir le Festival de Cannes mais tiennent également à envoyer des films à Venise. Après quelques négociations, les producteurs se rangent aux côtés de la manifestation française. La participation soviétique à Cannes est aussi indispensable même si l'enjeu est différent. Les raisons sont plus politiques que cinématographiques puisque la France espère obtenir la coopération militaire de l'URSS contre l'offensive allemande qui se prépare. Mais la signature du pacte de non-agression entre l'Allemagne et l'URSS met un terme aux négociations des démocraties. Les Soviétiques maintiennent néanmoins leur adhésion au Festival français.
Le ministère des Affaires étrangères reçoit très vite les réponses de la Belgique, la Hollande, la Suède ainsi que la Tchécoslovaquie qui proposent déjà une sélection de films. Tandis que le Danemark, le Mexique, la Pologne, la Roumanie et le Portugal, engagent leur participation, au moins par la venue d'un représentant dans le jury si les conditions le permettent.
Les conditions d'ailleurs ne le permettront plus car la crise s'annonce durant l'été 1939 et les opérations militaires allemandes bouleversent l'Europe. En août, il ne reste que neuf pays pouvant être représentés à Cannes pour l'ouverture de la première édition du Festival. Les organisateurs français, soulignent néanmoins leur succès car, malgré les absents, ils ont obtenu la participation des États démocratiques les plus puissants de l'industrie cinématographique et de l'URSS.
Les pays producteurs de films ayant donné leur accord, la France commence officiellement la préparation du Festival international. La première question posée est celle du lieu. Quelle ville répond aux critères nécessaires à l'organisation d'une telle manifestation ?
Les responsables italiens ont choisi Venise pour leur Exposition ; la ville possède déjà une grande renommée internationale en raison de son passé historique et de son site unique. La France devait l'égaler, donner à son festival un cadre aussi prestigieux.
Quelques villes françaises, reconnues mondialement, peuvent prétendre à l'organisation d'un festival. Grâce à leur développement touristique, toutes possèdent des équipements et des installations essentiels à l'accueil de l'événement. Cannes, Biarritz, mais aussi Vichy, Deauville, Aix-les-Bains, Le Touquet, apparaissent sur la liste. La ville d'Alger se présente également, soutenue par le président du Conseil, Édouard Daladier. L'effet n'est que de courte durée car, la plupart des villes se trouvent dans l'impossibilité de construire et d'aménager, en quelques mois, une salle de projection pouvant accueillir un millier de spectateurs. Philippe Erlanger, en tant que responsable du projet, retient alors deux sites : Biarritz et Cannes.
Après quelques études, les responsables donnent très vite leur préférence au Sud de la France plus particulièrement à la Côte d'Azur, région baptisée ainsi en 1887 par le poète Stephen Liégeard pour rappeler l'harmonie et la beauté du lieu. Et les sites paradisiaques de la région azuréenne semblent agir en sa faveur ; la décision des organisateurs du Festival se fait attendre mais quelques rumeurs rapportent que la préférence des dirigeants serait la ville de Cannes.
Au sein du gouvernement, la question est évoquée et le choix paraît difficile car les comités de tourisme et les directeurs de palaces des deux villes se livrent une bataille acharnée. D'un côté, il y a Biarritz, station balnéaire connue grâce à la présence de Napoléon III et Eugénie mais qui, à la fin du Second Empire, commence à décliner. De l'autre, il y a Cannes ; depuis l'arrivée de Lord Brougham en 1834, c'est une ville en plein essor attirant chaque année de nouveaux résidents étrangers.
Devant ce dilemme, le gouvernement décide de créer un comité de coordination composé des représentants des différents ministères concernés par le festival. Ce comité étudie les atouts de chaque ville et envoie ses représentants sur place ; ainsi, Philippe Erlanger se rend à Cannes. On chuchote alors que le choix pourrait se porter sur la cité méditerranéenne mais, coup de théâtre, le 9 mai 1939, l'annonce est faite : la ville de Biarritz est choisie comme siège du festival. La municipalité a en effet promis le versement d'une subvention à l'organisation de la manifestation.
D'abord déçus, les partisans de Cannes décident de repartir rapidement en campagne. Autour de Georges Prade, conseiller municipal de Paris, les directeurs de palaces cannois comme Henri Gendre du Grand Hôtel et Jean Fillioux du Palm Beach prennent contact avec le comité et les ministères ; ceux-ci décident d'étudier de nouveau le dossier cannois. La ville de Cannes propose alors d'augmenter sa participation financière et met à la disposition du comité ses salles de réception et ses équipements touristiques. La municipalité de Biarritz a bien proposé une dernière offre mais sans succès car, faute de pouvoir débloquer le budget nécessaire, elle finit par retirer sa candidature.
L'État et la Ville de Cannes signent le contrat officiel pour l'attribution du festival cinématographique international le 31 mai 1939, seulement trois mois avant la date d'ouverture prévue de la compétition. La raison de ce choix a sans doute été liée aux avantages accordés par la ville mais également à la beauté du site qui « seul pouvait donner aux vedettes et producteurs une haute idée de la France », comme le déclare, à la radio, Albert Sarraut, ministre de l'Intérieur.
Et un véritable élan de solidarité s'organise autour de Cannes. Antibes et Juan-les-Pins apportent un précieux concours au festival, tout comme l'ensemble des palaces cannois et des environs. Seule absente, la ville de Nice, qui malgré son statut de capitale de la Côte d'Azur, ne se manifeste pas. Pourtant, quelques années plus tard, en 1946, Nice tentera d'obtenir l'organisation du Festival.
Les réactions à la nomination de Cannes comme ville du festival français sont nombreuses ; certains auraient préféré Paris ou un autre site moins touristique mais, Cannes, avec son statut de « perle de la Côte d'Azur », donné par Stephen Liégeard, accueille de riches aristocrates, notamment anglais, des intellectuels, des artistes, toujours plus nombreux. Alors, la majorité des journaux, des revues mondaines, approuvent le choix des organisateurs.
Parallèlement au choix de la ville, le gouvernement prépare la manifestation. Il délègue son pouvoir au service considéré comme le plus compétent pour la réalisation d'une manifestation de cette ampleur. L'État fait donc appel à l'Association française d'action artistique (AFAA), transformée en comité spécial d'organisation, sous la direction du secrétariat d'État des Beaux-Arts et du Ministère des Affaires étrangères. Cela fait un an que Philippe Erlanger est le directeur général de cette association et tente, par tous les moyens, d'empêcher la progression de la propagande fasciste. Le projet de création d'un festival concurrent à la Mostra fait parti des moyens employés mais demande de lourds investissements et une organisation efficace.
Sous la présidence d'Albert Sarraut, également ministre de l'Intérieur, l'AFAA constitue un comité d'organisation où siègent des représentants des différents organismes d'État concernés par la manifestation. À la tête de ce comité est nommé le président du secrétariat d'État aux Beaux-Arts, Georges Huisman.
Le 3 août 1939, le Comité d'organisation du Festival se réunit pour la première fois à la direction des Beaux-Arts. Tous les détails de la future manifestation sont abordés. D'abord, la création d'une affiche et d'un dépliant publicitaire qui assurent la promotion du Festival en France et à l'étranger. Un photographe est également engagé pour toute la durée de l'événement. Ensuite, le comité envisage des projections quotidiennes de films d'actualité sur le déroulement du festival à la suite des séances de la sélection officielle.
La question du prix des places est abordée ; 25 francs (3,8 euros) pour les places des cinq premiers et cinq derniers rangs, et 30 francs (4,6 euros) pour toutes les autres. Les festivaliers peuvent également s'abonner à une formule permettant un euro de réduction pour l'achat d'une place. Les membres du comité ne parviennent pas à s'entendre sur la création de séances de projection en plein air et à prix réduit car la manifestation doit rester un gala exceptionnel et inédit. Mais les premières aides financières attribuées à la création du Festival deviennent rapidement insuffisantes ; le budget, dans un second temps estimé à 970 000 francs (147 000 euros), représente une somme colossale que l'organisation parviendra à réunir difficilement.
Le comité, encore apprenti en la matière, prend exemple sur l'organisation de la Biennale italienne qui, elle, bénéficie déjà de six années d'expérience. Le temps presse, il ne reste à la France que deux mois pour préparer sa manifestation. Alors l'État intervient pour accélérer la mise en place du Festival en faisant appel à ses ministères et à l'ensemble des entreprises publiques afin de réduire le coût de la manifestation.
Le budget de l'organisation est essentiellement constitué des fonds de la municipalité cannoise auxquels doivent s'ajouter 406 000 francs (61 500 euros) de subvention accordée par le Ministère des Finances. Celui-ci consent également à aider le comité cannois en l'exonérant de certaines charges, par exemple le droit de douane réservé aux films étrangers ou encore la taxe sur les spectacles payée pour toutes les projections. Grâce à ces quelques avantages, les investissements restent dans des proportions raisonnables par rapport au budget modeste du festival en préparation ; l'Exposition vénitienne dispose en effet de moyens bien plus importants pour son organisation.
En juillet, tous les efforts se concentrent pour annoncer l'ouverture imminente du Festival. Pour cela, l'État demande au service des Postes, Télégraphes et Téléphones (PTT) de participer à la publicité de la manifestation par une contribution gratuite pour des interviews, émissions publicitaires ou projet d'un timbre spécial. C'est l'ensemble du pays qui doit défendre les couleurs cannoises avec l'impression d'un cachet spécial, « Festival international du film, Cannes 1er-20 septembre 1939 », sur toutes les lettres et dans tous les bureaux de postes.
Il faut également régler le problème des transports car, à Venise, les frais de voyage des personnalités étrangères sont pris en charge par l'organisation. Toujours pour diminuer le coût de ces services, il est demandé à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et à Air France de créer des titres de transports gratuits pour les membres du jury et pour les vedettes qui participent au Festival. On ne pourra oublier, après la guerre, l'arrivée de Grace Kelly, Sophia Loren et bien d'autres stars descendant élégamment les marches du célèbre Train bleu dans la gare de Cannes.
En contrepartie, les deux compagnies de transport obtiennent du Festival une importante publicité qui doit être « publiée dans l'édition de luxe du programme de la manifestation ». Cet album souvenir devait être offert aux personnalités lors de la soirée de clôture. Un large public international est attendu à Cannes pour le Festival. Alors pour annoncer ce nouveau rendez-vous cinématographique, il est prévu d'organiser un éblouissant Gala du film à Paris. Sous la présidence de Louis Lumière, ce gala permet aux vedettes internationales, aux ambassadeurs et aux représentants de la presse française et étrangère de se rencontrer. Le comité de Paris lance le Festival et celui de Cannes prend le relais, chargé de l'organisation locale. Dès le mois d'août, il convie de nombreuses personnalités sur la Côte d'Azur, invitées à de prestigieuses fêtes. Le contexte européen, de plus en plus troublé, incite les écrivains, artistes, hommes d'affaires et diplomates à rechercher ce cadre agréable, foyer d'une vie insouciante. Et c'est ainsi, que Cannes, à la fin d'août 1939, connaît une affluence touristique record.
Cette ambiance festive et élégante annonçant l'ouverture du festival est une volonté du maire de Cannes, Pierre Nouveau qui déclare que son équipe « a élaboré un programme de réceptions permettant de témoigner aux hôtes tout le prix que la ville attache à leur présence ». Cette réussite reste également le fait du comité d'organisation local, chargé de l'accueil et du protocole et présidé par le comte d'Herbemont, lequel a su s'entourer des noms les plus illustres des résidents français, anglais, américains de la Côte d'Azur. Le comité cannois se charge de l'affiche proclamant l'ouverture de la manifestation. Et c'est Jean-Gabriel Domergue, célèbre peintre cannois, qui est chargé de cette création. Il réalise une affiche destinée à « faire le tour du monde et à promener une irrésistible "Invitation au voyage "», selon les mots de l'artiste. Les organisateurs font également éditer un dépliant de luxe, à 50 000 exemplaires, en langues française et anglaise, qui annonce les manifestations prévues à l'occasion du Festival.
Ces festivités commencent ; le 1er septembre, jour de l'ouverture du Festival de Cannes, approche. Mais, en quelques jours, les événements se bousculent, la guerre a franchi les portes de l'Europe. L'annonce est faite : le Festival est, dans un premier temps, reporté.
Et, pendant que les premiers festivaliers s'installent dans les palaces cannois en août 1939, les organisateurs commencent à entrevoir toutes les possibilités données par la réalisation de cet événement international. Concurrencer Venise n'est plus le seul but. Il s'agit maintenant d'imposer le savoir-faire français en matière de cinéma à travers le monde et, pourquoi pas, tenter d'égaler la toute puissante industrie américaine. Le rêve peut devenir réalité grâce au Festival de Cannes ; la ville et sa région convoitent désormais le titre de « Hollywood européen », espérant détrôner au passage les studios italiens de Cinecittà et ceux de Neubabelsberg à Berlin.
La ville de Cannes, jusqu'en 1850, conserve les traits de son visage provençal et vit encore de ses activités traditionnelles en particulier la pêche. Avec l'arrivée du chemin de fer qui met la station azuréenne à 31 heures de Londres et l'aménagement du port, la ville s'agrandit et ses équipements se modernisent rapidement. En une décennie, le nombre d'habitants est multiplié par dix avec près de 5 000 âmes en 1939 et l'on compte, cette même année, 152 hôtels.
La vieille ville, appelée le Suquet, garde ses charmes d'antan, entourée désormais des riches demeures des touristes étrangers. Quant au bord de mer, il se transforme très vite en accueillant d'abord un cercle nautique, dirigé par Jouvenel et Léopold Buquet. Ensuite, en 1907, Henri Ruhl fait construire un casino sur l'ancien dépôt d'ordures de l'usine de savons (aujourd'hui, rue des Belges). Une vingtaine d'années plus tard, le célèbre salon de jeux, le Palm Beach, ouvre ses portes au bout de la promenade de la Croisette et vient compléter la liste des établissements de loisirs de Cannes et de ses environs comme l'hippodrome de La Bocca, le fameux Casino des Fleurs dans le quartier de Montfleury ainsi que les trente-cinq hectares du golf de la plaine de la Siagne.
Un autre aspect de Cannes se dessine avec les îles de Lérins, protégeant la baie de la ville ; elles sont quasiment inhabitées et abritent une végétation de pins et de fleurs. Ces mystérieuses îles, aux nombreux vestiges, sont entourées de vieilles légendes et suscitent la curiosité des visiteurs à la recherche d'inspiration ou de repos.
Le cadre paradisiaque de la ville est l'endroit parfait pour la manifestation internationale française ; par bien des aspects et surtout pour sa troublante ressemblance avec la côte californienne, il semble être le lieu idéal pour réaliser ce "Hollywood européen". En 1939, pour imprimer des images sur la pellicule, il faut de la lumière et pour avoir cette lumière, il faut du soleil. C'est pourquoi le sud de la France s'impose très vite pour le tournage des films et l'on assiste ainsi à l'installation de studios de cinéma sur la Côte d'Azur notamment ceux de la Victorine à Nice en 1919 ; au cours des décennies suivantes, de nombreux chefs-d'œuvre y seront tournés comme le Don Quichotte de Pabst, Les Visiteurs du soir et Les Enfants du Paradis de Marcel Carné, Fanfan la tulipe de Christian-Jaque ou encore Lola Montès de Max Ophuls. Alors, pour accéder au rêve américain, deux choix s'offrent aux organisateurs du Festival : aménager et agrandir les studios niçois ou construire une structure plus moderne près de Cannes ; cette dernière proposition fait l'unanimité puisque, bien avant 1939, l'idée a déjà fait du chemin. Ce projet est né six ans auparavant grâce à une maison de production qui a acheté des terrains à la municipalité. La concurrence avec les studios niçois, avec ceux de Marcel Pagnol à Marseille et bientôt l'ouverture de Cinecittà en 1937 à Rome a empêché le projet cannois de se réaliser à ce moment-là.
Pourtant, grâce à la création du Festival de Cannes, l'idée réapparaît, soutenue cette fois par de grandes maisons de production comme Pathé, Gaumont ou Eclipse, par le gouvernement français et la municipalité cannoise. Mais la déclaration de guerre porte un coup fatal à la réalisation du Festival tout comme à la construction de studios. Pourtant, malgré le conflit, les projets restent d'actualité, encouragés désormais par de grands noms du cinéma français tels Jean et Claude Renoir ou Marc Allégret qui désiraient créer à Cannes des structures perfectionnées et de qualité avec une école d'acteurs, de techniciens et un bureau de recherches cinématographiques.
En 1946, avec l'ouverture du premier Festival de Cannes, la création de studios devient de nouveau indispensable et, cette fois, c'est l'écrivain-cinéaste Jean Cocteau qui s'associe à l'entreprise, soucieux de donner aux futures infrastructures « une atmosphère méditerranéenne », confie-t-il. Pour réaliser cette Cité du cinéma de Mougins, Jean Cocteau fait appel à l'architecte Gridaine. A peine à cinq kilomètres de Cannes, les studios devaient être bâtis dans les quartiers de l'Étang et de Notre-Dame de Vie ; ils devaient couvrir une superficie de 310 hectares et trois ans de travaux, exécutés par 2 500 ouvriers, auraient été nécessaires à leur construction.
« Mougins, futur Hollywood français », annoncent les journaux. Ce village au charme provençal voit alors arriver de nombreux touristes et s'installer de nouveaux commerçants ; même le tailleur se met au goût du jour en rebaptisant sa boutique "Hollywood tailleur". On commence à croire à la réalisation du projet, d'autant plus que la situation des studios niçois ne s'améliore pas, marquée par crises les financières. Pourtant, faute de crédits, la construction de studios cannois n'aboutit pas et finit pas tomber dans l'oubli.
Cannes ne s'impose donc pas à la manière d'Hollywood pourtant, la ville s'apprête, en 1939, à devenir la scène mythique du cinéma mondial. Cette année-là marque les débuts difficiles d'une manifestation programmée dans un contexte de crises et de tensions.
Le premier Festival international du film de Cannes doit se dérouler du 1er au 20 septembre dans la salle du Casino municipal. Tout est prêt pour l'ouverture de la manifestation, deux mille invitations ont été envoyées. L'été est radieux et l'on se presse à Cannes pour s'enivrer de soleil et de divertissements légers. Les fêtes animent les palaces dès la mi-août, les réceptions illuminent les villas des riches Américains et Anglais. Les festivaliers dansent toutes les nuits sur les musiques de Ray Ventura qui se produit au Paradise, le night-club du Casino d'été. La journée, l'ambiance est aussi festive ; les invités apprécient les charmes et les loisirs qu'offrent la ville, se donnent rendez-vous sur la Croisette, visitent les îles et les environs. Pour eux, « cette joie de vivre est le climat même du cinéma », peut-on lire dans les journaux.
Le programme des festivités est bien rempli : le 21 août, le comte et la comtesse d'Herbemont donnent une somptueuse fête à l'Hôtel Eden Roc. Le public a alors l'occasion de découvrir la broche et le porte-cigarettes en or massif destinés à récompenser les vedettes féminine et masculine du meilleur film du Festival. Un transatlantique loué par la Metro Goldwyn Mayer (MGM) jette l'ancre dans la baie de Cannes avec à son bord les vedettes américaines Tyrone Power, Gary Cooper, Douglas Fairbanks, George Raft, Paul Muni, Norma Shearer ou encore Mae West. Le service des compagnies aériennes et ferroviaires s'intensifie entre New York, Londres, Paris, Nice et Cannes. Les stars, princes et princesses de toute l'Europe se pressent à Cannes pour la soirée-événement du Festival : le Bal des Petits lits blancs, annoncé comme le gala le plus riche du monde avec 1 000 couverts à 150 euros, reversés à une œuvre de charité. Les terrasses du Palm Beach accueillent ce soir-là de prestigieux invités comme les grands couturiers Lanvin et Schiapparelli, les joailliers Van Cleef et Arpels, la duchesse de Windsor, le prince Poniatowski, Marcel Achard, Charles Boyer... L'hôtel, situé en bord de mer, éclaircit la baie de Cannes et l'on peut entendre les cinq orchestres qui jouent sur le plateau. En coulisse, le comédien Fernandel se prépare à un tour de chant tandis que les techniciens se mettent en place pour le feu d'artifice final. Mais, à ce moment-même un orage éclate et les invités doivent se mettre à l'abri en toute hâte. Philippe Erlanger, fondateur du Festival, commente cet épisode quelques années plus tard : « Le ciel qui était d'une beauté parfaite se chargea en un moment d'énormes nuages et un orage ou plutôt un ouragan s'abattit sur les dîneurs. Le bruit de tonnerre semblait celui d'une formidable artillerie. Les moins superstitieux y virent un présage. Le lendemain éclatait la nouvelle du pacte germano-soviétique et chacun reprit dans l'affolement le chemin de sa ville respective ». Dès lors, les événements se bousculent, la menace d'un conflit se retrouve au cœur de l'Europe. Le 22 août, des dispositifs militaires sont mis en place par le département ; le jour suivant, sur les murs de la ville, entre les affiches du Festival, se glissent les appels des premiers contingents de réservistes. Les touristes séjournant à Cannes décident de partir ; la gare de Nice multiplie les départs des trains tandis que les palaces azuréens se vident. Malgré la gravité de la situation, les organisateurs cannois décident d'organiser, à titre privé, la seule projection de film que connaît cette édition, celle du premier film américain en compétition, Quasimodo (The Hunchback of Notre-Dame) de William Dieterle. D'ailleurs, pour sa promotion, une reconstitution (maquette en carton-pâte) de la cathédrale de Notre-Dame de Paris a été édifiée sur la plage. Mais les nombreuses cérémonies officielles prévues pour l'ouverture sont reportées tout comme la soirée de clôture où doivent être remises les récompenses.
Le modèle d'attribution des récompenses a été établi quelques mois auparavant, régi par un principe « d'objectivité artistique et d'impartialité absolue », est-il écrit dans le règlement de la manifestation. Le Festival de Cannes de 1939 reste, dans ce domaine, une année particulière puisque jusqu'à aujourd'hui, il aurait dû distribuer un nombre record de prix. On prévoit un double concours, national et international, et différentes catégories de films (fictions, documentaires et dessins animés) pour lesquelles des attributions spéciales sont envisagées. Des médailles d'honneur doivent également récompenser l'ensemble des films de la compétition. Pour la compétition internationale, les films se disputent le Grand Prix Louis Lumière (meilleur metteur en scène), le Grand Prix international des meilleurs interprètes, deux Prix du Jury international, celui du meilleur scénario, de la meilleure partition musicale ainsi que du meilleur opérateur. Toutes ces récompenses, sous forme de coupes, sont des œuvres d'art de la manufacture de Sèvres auxquelles s'ajoutent des objets de valeur offerts par des personnalités.
Il revient au jury de voter, à bulletin secret, pour attribuer les prix. Les membres de ce jury, délégués des ministères, représentent l'ensemble des pays participants ; aucun concurrent ne se trouve ainsi avantagé. Néanmoins, ce jury, dispose d'un droit de censure, en utilisant l'article 7, « s'il juge des films de la compétition de nature à blesser le sentiment national d'un pays », mentionne le règlement.
La sélection officielle a déjà été établie, composée de films contemporains non encore exploités qui auraient dus être distribués l'hiver suivant. Les festivaliers, à la recherche de spectacles inédits, auraient pu profiter de quatre projections quotidiennes en avant-première mondiale. Si le Festival avait eu lieu, ils auraient pu découvrir vingt-six films de huit nationalités différentes, produits dans l'année et révélateurs des tendances contemporaines des cinémas nationaux.
D'abord la sélection américaine, riche de dix films, qui illustre bien le savoir-faire de l'industrie de la première puissance mondiale. Comédies musicales ou sentimentales, films fantastiques ou noirs, westerns… ce cinéma a multiplié les genres à fois révélateurs du malaise social du pays et incarnations du rêve américain. La sélection du Festival, à ce titre, représente assez bien la diversité de ce cinéma avec le célèbre conte fantastique de Victor Fleming, Le Magicien d'Oz (The Wizard of Oz), l'histoire romantique de Cary Grant et Rita Hayworth dans Seuls les anges ont des ailes (Only angels are wings) de Howard Hawks, l'aventure de Cecil B. DeMille, Pacific Express (Union Pacific) ou encore l'adaptation du roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris par William Dieterle sous le titre de Quasimodo (The Hunchbacks of Notre-Dame).
En compétition également, la sélection soviétique composée de huit films aux thèmes bien définis : luttes héroïques, importance du travail et de la terre, édification du socialisme… Le pouvoir soviétique est aussi préoccupé par l'éducation du jeune public ce qui l'amène à présenter à Cannes des dessins animés et des histoires inspirées du folklore russe. Les Soviétiques prouvent également leur maîtrise technique en matière de cinéma en présentant au Festival le seul film en couleurs de la compétition. Quant aux réalisateurs choisis, ils incarnent la relève des maîtres du muet comme Sergueï Eisenstein ou Vsevolod Poudovkine ; on retrouve donc Mikhaïl Romm avec Lénine en 1918 (Lenin v 1918 godu), Ivan Pyriev présentant Conducteurs de tracteurs (Traktoristy) et Efim Dzigan avec son court métrage au titre prémonitoire, Si demain c'était la guerre (Esli zavtra voina). La Grande-Bretagne est également représentée dans les sélections cannoises par Zoltan Korda, célèbre cinéaste d'origine hongroise, dont les films ont obtenu un grand succès dans les salles d'Outre-Manche. Réalisateur des Quatre plumes blanches (The Four feathers), il représente son pays dans la compétition cannoise avec une œuvre exaltant la puissance de l'Empire saxon. Les organisateurs cannois apportent un soin particulier à la sélection des films français destinés à défendre le pays sur son propre sol. Depuis quelques années, ce cinéma a su imposer son style, appelé réalisme poétique, qui souligne les thèmes d'inspiration populaire chers à certains cinéastes d'alors. Cette production nationale commence même à gagner des marchés européens et même extra-européens.
Mais en 1938-39, la situation politique et économique de la France se dégrade, ainsi, les œuvres réalisées à ce moment-là sont imprégnées de ce contexte de crise. Les membres du comité doivent choisir parmi ces films ceux à envoyer au Festival de Cannes. Alors, au sein des sélections, courts et longs métrages montrent toute la richesse artistique du cinéma de l'époque ; ils sont d'abord représentatifs de l'École française du cinéma.
Trois longs métrages s'inscrivent directement dans la lignée des grands films classiques de l'époque, s'apparentant encore au réalisme poétique par l'usage d'éclairages en clair-obscur, par la simplicité des musiques et l'emploi de dialogues désenchantés. La Loi du Nord de Jacques Feyder est un drame sentimental sur fond d'intrigue policière, avec pour héroïne principale, la sublime Michèle Morgan. Ensuite, L'Enfer des anges, drame réalisé par Christian-Jaque qui nous conte l'histoire bouleversante de deux enfants rejetés par leurs camarades. Et, enfin, le film fantastique de Julien Duvivier La Charrette fantôme, dans lequel on découvre un ancien ouvrier, chômeur et alcoolique, qui voit le fantôme de son meilleur ami conduire la charrette emmenant les âmes vers l'Au-delà. Ce film aux nombreux effets spéciaux reste un grand exercice de style.
Dans la sélection française du Festival, il y a également quelques références à l'atmosphère euphorique des années précédentes illustrée par des courts métrages documentaires, par exemple, le montage sur la revue du 14 juillet 1939, réalisé par la Chambre syndicale de la Presse filmée ou celui de Louis Cluny sur la ville de Rouen. À noter la présence d'une œuvre particulière, Observations cinématographiques sur le soleil de Bernard Lyot. Ce film, sur les techniques du cinéma, est sélectionné pour rendre hommage à la France, pays où le cinéma a vu le jour et qui montre sa connaissance technique en la matière.
Les derniers longs métrages de la sélection française abordent des sujets relatifs aux affaires politiques du pays puisque ces films font allusion par leur titre et leurs thèmes à certains territoires sous domination française. L'Homme du Niger de Jacques de Baroncelli retrace les exploits d'un officier français décidant de construire un barrage au Niger, colonie française. Le documentaire d'Henri Caurier, L'Ame de la Corse, confirme quant à lui l'appartenance de l'île à la France, au moment où l'Italie revendique ses droits sur le territoire. Deux autres sélections, le dessin animé Deux empires, une force d'Atlantic Film et le documentaire La France est un empire de Jean d'Agraives et Emmanuel Bourcier montrent à quel point le pays est soucieux de mettre en valeur son entreprise coloniale.
Le comité cannois choisit onze films pour représenter la France au Festival, choix dont le but est à la fois d'exposer le talent du cinéma français contemporain, son évolution technique et artistique et, en même temps, d'exprimer, la puissance politique et économique du pays devant les invités étrangers.
Le Festival de 1939 n'est pas un simple concours cinématographique, il se présente surtout comme un lieu d'échanges et de rencontres entre divers pays, divers intérêts, conditionnés cette année-là par le climat particulier de ces derniers instants de paix. Mais, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, les négociations deviennent de plus en plus difficiles. L'Allemagne, l'Italie et leurs alliés s'opposent à la manifestation française ; la Pologne et la Tchécoslovaquie se retirent du concours ; et, finalement, la déclaration de guerre met un terme à la compétition cinématographique.
Le 1er septembre aurait dû être le jour de l'ouverture du premier Festival de Cannes ; il est celui où Hitler envoie ses troupes en Pologne. C'est alors que le gouvernement français déclare la mobilisation générale et vote des crédits de guerre. Quelques jours auparavant, en raison des événements, Georges Huisman, président du Comité du Festival, a reçu l'ordre de reporter l'ouverture de la manifestation de dix jours. Mesure malheureusement vaine car le 3 septembre, l'Allemagne n'a toujours pas répondu à l'ultimatum ; la France et la Grande-Bretagne lui déclarent la guerre.
Après la défaite de la Pologne, les opérations militaires du front occidental se figent. La fin de l'année 1939 est marquée par des tentatives de paix. Cette situation, pour le moment apaisée, fait renaître l'espoir. Alors, le gouvernement français, à la demande des responsables du Festival cannois, accepte de donner une deuxième chance à la réalisation de la manifestation, seulement « si la situation ne s'aggrave pas », déclarent les autorités. Rien ne s'arrange, pourtant, le projet du Festival de Cannes réapparaît quelques mois plus tard dans une Europe désormais en guerre.
Le Festival de Cannes qui aurait dû débuter le 1er septembre 1939 est dans un premier temps reporté de dix jours en raison des circonstances. Les organisateurs pensent, une nouvelle fois, qu'il s'agit d'une crise de courte durée. Car, le 8 septembre, s'ouvre la Biennale de Venise. Le Festival est donc reprogrammé à plusieurs reprises ; l'arrivée des troupes allemandes sur le sol français entame les trois ans de silence faits autour de cette affaire. Il faut attendre la fin du conflit pour voir réapparaître l'idée du festival français. Cette période de l'après-guerre, qui voit la réalisation du Festival de Cannes, annonce en même temps une nouvelle ère pour le cinéma mondial.